10/27/2014

Très au-delà

On ne voit, ce qui s'appelle voir, que ce qu'au préalable, il nous est déjà arrivé de penser, dit le Cuisinier:  nihil est in sensu quod non prius fuerit in intellectu. Autrement on ne voit rien. Très peu de gens, à l'heure actuelle, voient réellement ce qui se passe, car très peu de gens, aussi, sont aptes à le penser. Ce qui se passe, il est vrai, est complètement inédit, sans précédent. Aussi loin qu'on remonte dans le temps, il ne s'est jamais rien produit de tel*. On manque donc d'un certain nombre de repères, de points de référence. Le phénomène premier est la guerre, celle des dirigeants contre leurs propres concitoyens: guerre totale et sans merci. Mais cette guerre est sui generis, unique en son genre. Je parle des méthodes utilisées. Les gens sont donc dans le noir, ne voient pas ce qu'il y aurait à voir. Ils sont certes mal à l'aise, se posent des questions, mais ils comprennent mal ce qui leur arrive. Certains parlent de trahison, mais on est très au-delà ici de la trahison. C'est même sans commune mesure. Dépravation conviendrait déjà mieux, il s'applique aux élites déclinantes. Mais le parallèle s'arrête là. Encore une fois, il n'y a pas de précédent. Comment penser ce qui est sans précédent?

* Voir "Surpasse", 19 juillet 2014.