9/09/2007

En procèdent

J'ai en tête le titre de l'ouvrage de Hans Blumenberg, La légitimité des Temps modernes, dit l'Auteur. En quoi les Temps modernes sont-ils légitimes? Personnellement je dirais: en ce que l'homme a vocation à la liberté. Voilà ce qui les rend légitimes. Ca exactement, et rien d'autre. En même temps les Temps modernes ne viennent pas de rien. Si les Temps modernes s'inscrivent en rupture avec l'univers pré-moderne, par ailleurs aussi ils en procèdent. En procèdent, et ne sauraient donc se construire qu'à partir de lui. La bonne modernité, la modernité heureuse (car cette modernité-là, elle aussi existe), n'est pas celle tournant le dos à la tradition, lui tournant le dos ou encore l'ignorant, mais bien celle s'inscrivant en continuité avec elle, en assumant, bon gré mal gré, l'héritage (quitte, évidemment, à le réinterpréter). Beaucoup de modernes raisonnent sur la modernité comme si être moderne c'était tuer le père. C'est le schéma oedipien, à certains égards aussi celui du Fils prodigue. Mais comme le montre Sophocle le meurtre du père n'est pas vraiment libérateur. Oedipe tue le père, mais se condamne par là même au malheur. Il en va de même du Fils prodigue. Plus je relis ces textes (Oedipe Roi, la parabole du Fils prodigue), plus je m'émerveille de leur justesse. Textes qui s'éclairent d'ailleurs l'un l'autre, s'éclairent et se complètent. Certains les interprètent comme des textes anti-liberté. A mon avis non. Ce ne sont pas des textes anti-liberté, mais anti-hybris. Hybris, soit dit en passant, qu'il ne faut d'ailleurs pas toujours chercher du côté des fils mais des pères. Car aux pères aussi il arrive de commettre certaines erreurs. Pères butés ou cassants. Ou à l'inverse, absents, inexistants. L'idéal, en fait, serait que le père accompagne le fils dans sa démarche. L'accompagne et l'assiste. Ce n'est malheureusement que rarement le cas.