9/18/2007

Il ne faut même pas y songer

Tu te souviens des théories de Michel Foucault, dit l'Avocate. Un jour viendra, disait-il, où l'on n'aura plus même besoin d'enfermer les gens en prison, il suffira de faire appel au contrôle social. Le contrôle social n'est rien d'autre en effet qu'une prison à une plus vaste échelle, celle de la société dans son ensemble. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui la société de surveillance. Deux remarques à ce propos. Première remarque: nonobstant l'irrésistible ascension de la société de surveillance, phénomène que Michel Foucault avait analysé par avance, la prison au sens strict, je veux dire l'endroit où l'on enferme les gens, se porte aujourd'hui plutôt bien. Non seulement son existence n'a pas été remise en cause, mais le système carcéral est plutôt en train de se consolider. De plus en plus de gens, aujourd'hui, sont envoyés en prison, pour des peines, également, de plus en plus longues. En France, par exemple, entre 1975 et 1995, la population carcérale a doublé. La durée moyenne de détention a également doublé au cours de la même période. Ce n'est donc pas ou bien... ou bien...: ou bien la prison, ou bien le contrôle social. On a aujourd'hui et la prison, et le contrôle social. Deuxième remarque, maintenant. Il faut distinguer entre plusieurs types de prison. Les prisons actuelles, je veux dire: celles qu'on construit actuellement, n'ont en effet plus rien à voir avec les prisons traditionnelles, celles héritées de l'Ancien Régime, avec leurs murs pourris, leurs cafards, leurs odeurs d'urine, etc. Ces prisons-là ont vécu, elles sont aujourd'hui remplacées par d'autres prisons, prisons du "troisième type", en quelque sorte, très différentes des précédentes. Dans son roman d'anticipation, Technosmose (Gallimard, 2007), Mathieu Terence en décrit une, de ces prisons. C'est une société de surveillance, mais en plus perfectionné encore. Elle joue en fait le rôle de laboratoire expérimental pour la société de surveillance. D'une prison traditionnelle, il est parfois possible de s'évader. De cette prison-là, il ne faut même pas y songer. Elle est d'ailleurs enfouie sous terre, on n'y accède que par des "descendeurs". C'est en cela même que la prison conserve, aujourd'hui encore, sa raison d'être. Elle annonce la société de demain. L'annonce et la préfigure.