11/18/2006

Imperdables

J'ai peine à te suivre, dit l'Auditrice. Tu en veux à cette sorcière de s'être conduite comme elle l'a fait. Mais qu'y a-t-il là de si extraordinaire? Tu sais bien que la justice, même au plan interne, n'est qu'une branche du pouvoir. C'est une branche du pouvoir, et à ce titre elle fait ce que le pouvoir lui dit de faire. Ca n'est pas en soi une nouveauté. Sérieusement, qui croit encore à l'indépendance des juges? A l'idée, il est vrai rassurante, mais bien naïve, selon laquelle ils seraient insensibles à toute espèce de pression (y compris celles de leur propre hiérarchie)? Tu sais bien que ce n'est pas vrai. Nous connaissons tous des gens qui ont perdu des procès réputés imperdables. Imperdables, mais voilà, comme c'est bizarre, ils les ont perdus. Bizarre, vous avez dit bizarre? Comme c'est bizarre. Je suis toujours admirative devant ce que les juges réussissent à tirer d'un texte de loi, parfois même jusqu'à lui faire dire le contraire exactement de ce qu'il dit. Ca n'est pas, paraît-il, en soi très compliqué, ça s'enseigne même en première année universitaire. Mais j'admire quand même. Et que dire de leur je-m'en-fichisme, je-m'en-fichisme au quotidien, comme tu le sais, ces dossiers expédiés à la va-vite, dans le plus grand mépris du justiciable (qu'ils n'hésitent pas, par ailleurs, à envoyer en prison pour un oui ou pour un non, en particulier lorsque ledit justiciable s'avise de les mettre en cause, comme on l'a vu récemment à A...)? On en a souvent parlé ensemble. Ce n'est pas exactement comparable, dit l'Avocate. Là, ils ne se cachent même plus, ils jouent cartes sur table. Ils disent ouvertement ce qu'ils font. C'est ça la différence.